2011-07-17 : Ascension Omu Peak


Fini de tourner autour du pic

Mon premier contact avec le parc de Bucegi, la semaine dernière, a été particulièrement éprouvant ; le massif montagneux est élevé, les flancs sont très abruptes et partout où cela est possible, la végétation est dense. Le cadre n'est absolument pas propice à un petit footing de détente, mais l'aperçu de la semaine dernière me laisse imaginer des paysages bruts et une nature authentique.

Mon repérage de la semaine dernière m'a donné de nombreuses informations pour préparer ce que j'avais en tête depuis le début : faire l'ascension du pic d'Omu, sommet du massif (2505m).
Vendredi soir, dans la chambre d'hôtel, je fais mon conseil de guerre : je trouve des cartes approximatives du massif et je dégote sur des sites internet roumains des itinéraires balisés pour monter au sommet. Je décide de partir de Busteni, qui est un point de départ facilement accessible en voiture, mais qui rallonge l'itinéraire de marche.

Dans l'espoir de sortir de belles photos, je choisi de monter vers l'Ouest et de descendre vers l'Est, pour garder le soleil dans le dos. Voici le programme affiché sur les sites roumains :
- Ascension : entre 6h et 7h de marche, 2 balisages différents, 1600m positifs
- Descente : entre 4h et 5h de marche, 2 balisages différents 1600m négatifs
Pour ne pas me faire surprendre par la nuit dans la montagne, il va falloir que je me lève tôt ! L'idéal serait même de terminer la rando avant 18h, au cas où la forte chaleur se transformerait en orage de montagne...

L'attaque
8h debout : je ne peux pas faire mieux pour un samedi matin ! Avant 9h je suis en tenue de trail, et je démarre vers Busteni. Mais 10km avant d'arriver, la circulation se bouche complètement; je fais encore 6-7 Km puis je décide de garer la voiture sur le bas côté et de commencer la rando quelques Km plus tôt.

10h : Le temps est parfait, comme il l'a été ces dernières semaines ; la journée s'annonce déjà chaude ! Sur le dos, je n'ai pas beaucoup de poids, pour pouvoir trottiner si j'en ai envie. J'ai surtout pris de l'eau (2,5L) et de quoi me couvrir si la température chute en altitude : une veste, des couvres-bras, un cuissard et un bonnet. J'ai vérifié que j'avais mon minimum de raid : couverture de survie, PQ, scotch, couteau, fil, aiguille, une paire de gants de vélo et évidemment ma boussole.

Je traverse Busteni à la recherche du départ de mon sentier : la petite bourgade blottie au pied du massif est envahie de randonneurs qui paraissent au moins aussi bien équipés que moi. Bizarrement, ils ne vont pas dans même direction...tant pis – tant mieux.

10h45 : Je viens de trouver le chemin qui sort de la ville pour grimper dans la forêt. En un instant, l'air chaud se change en moiteur, chargée du parfum lourd de l'humus et du bois sec. Je double deux couples de randonneurs et me retrouve plongé dans un silence curieux : aucune rumeur ne remonte de la ville, aucun bruit distinct auquel je ne peux me raccrocher ; tout n'est que bruissement, bourdonnement et frémissement étouffé par l'atmosphère. La pente est abrupte mais je monte le plus silencieusement possible, comme visitant un sanctuaire ; à chaque instant je m'attends à une apparition.

Départ du sentier
Départ du sentier Balisé, au-dessus de Busteni. Je guette les ours!


Lorsque j'entends un grondement sourd un peu plus haut, j'ai à peine le temps de me figer et de lever les yeux : 2 hommes avancent à grands pas dans la pente, trainant derrière eux chacun un petit tronc d'arbre. Je m'arrête à leur hauteur pour les saluer : en retour, ils me parlent en roumain. Le seul mot que je comprends est "Ursus", qui est une marque de bière à l'effigie d'un ours. "Ursus ?" je réponds en lui désignant le chemin qui grimpe dans le bois ; "Da, Da, Ursus !". Je sais que le parc naturel de Bucegi est une réserve d'ours bruns et j'ai déjà été averti que les rencontres sont fréquentes, mais je crois discerner à son regard malicieux qu'il s'agit d'une boutade destiné aux touristes de Bucarest et d'ailleurs. Je lui répond gaillardement : "bine ! Foarte bine !" et les salue en espérant fort avoir raison de mon interprétation...

Mon trail de la semaine dernière m'avait déjà mis en garde contre la présence des ours dans ce massif, mais j'ai peu de ressources pour lutter. J'en étais même venu à penser que dans le cas d'une mauvaise rencontre j'avais si peu de chance de m'en sortir, que je n'avais qu'à sortir mon appareil photo et faire marcher le flash pour tenter de l'effrayer. Maigre consolation : tout au pire, cela fera un profil Facebook posthume du plus bel effet. Avant d'en arriver là, je pouvais utiliser une bombe au poivre (qui risquait plutôt d'énerver la bête) et un sifflet (qui pourrait tout aussi bien l'attirer, repousser ou même l'indifférer absolument).

Si mes dérisoires accessoires et la fuite n'ont presque aucune chance de me protéger, peut-être alors que la meilleure défense reste l'instinct de survie : se poster devant lui, agiter les bras, sauter sur le sol et crier à s'en exposer les bronches. Un simple cri instinctif avait figé trois chiens qui me chargeaient pendant une randonnée en Auvergne, mais devant un ours qui pèse 5 fois mon poids...
Fort de ces considérations fatalistes, je songeais que le risque était largement acceptable et que l'option la plus convenable était de continuer cette belle rando.


Après la première intersection de chemins, j'évolue toujours dans un bois dense mais clair. Le chemin est sûr sous le pied mais la pente est abrupte, si bien que j'avance très vite, mais avec le coeur près d'exploser. Malgré l'ombre, la chaleur est étouffante et le silence de l'endroit est entrecoupé du battement rapide du sang dans mes tempes. Lorsque je rattrape 3 jeunes randonneurs, j'ai le souffle tellement court, que je peine à les saluer. Je fais un bout de chemin avec eux, histoire de reprendre ma respiration :

"-Tu randonnes seul ? Ce n'est pas sûr ici...il y a beaucoup d'ours, il vaut mieux être plusieurs et faire du bruit !"
(Hmm...Trouver des amis qui veulent se lever le week-end pour courir 10h dans la montagne, poursuivis par des ours roumains...pourquoi je ne leur ai pas proposé plus tôt!)
" - Au fait, tu t'entraines pour un marathon ou quelque chose ?
Heu, non je randonne..."

Après la première heure de marche, le bois s'éclaircie jusqu'à déboucher sur de vastes prairies sauvages de montagne : le soleil, l'herbe grasse et les fleurs basses de montagne forment un magnifique décors qui me rappelle quelque peu des vacances d'enfance dans les Alpes. Mais les pentes qui enserrent le vallon sont si escarpées et rocailleuses qu'elles dégagent une brutalité que j'ai rarement ressentie dans les massifs français. Juste avant le carrefour de Poiana (=prairie) Castilei, je croise un deuxième groupe de randonneurs qui ne manquent pas de me mettre en garde à nouveau contre les habitants velus de la région.

Avant midi, je suis au carrefour de Poiana Castilei, et je trouve le nouveau sentier qui oblique vers l'Ouest et mène directement à Omu. Le bonne nouvelle c'est que je marche bien : presque 2 fois plus rapidement que prévu par les guides ; la mauvaise c'est que je transpire énormément, et que je n'aurai jamais assez d'eau pour finir.

Poiana
Après la première partie d'ascension abrupte dans les bois, je découvre les clairières d'altitudes...comme un petit air d'Alpes.

Impressionnants reliefs
Malgré la pente, la végétation s'accroche coûte-que-coûte. La vallée, bien qu'encaissée, forme une haute cuvette verdoyante.


Il est presque 13h : depuis 1h, je remonte le lit d'un torrent à sec : Cerbului (le Cerf), tantôt par la gauche, tantôt par la droite. La vallée creusée par ce torrent tient parfois de la cascade, je suis bien content d'avoir mes gants de vélo pour me glisser entre les rochers ou pour monter à quatre pattes dans l'herbe. De temps à autre, je me fige et scrute les versants à la recherche d'une masse brune, mais pas une seule trace d'ours. Deux ou trois fois, par précaution avant de m'engager entre des rochers, j'ai poussé un coup de sifflet et sauté sur le sol, pour avertir de ma présence ; mais heureusement sans réponse.

Cerbului
La vallée du Cerf est un des accès au pic d'Omu. Devant, le sentier suit un ruisseau à sec, encaissé au pied de pics impressionnants.


Je suis maintenant engagé au pied d'un vaste cirque montagneux ; d'après ma carte Omu est juste à ma droite, sur un des contreforts de la forteresse empierrée, mais impossible de le discerner. Et je ne distingue pas plus le chemin qui devrait escalader la rocaille vers le sommet.

Quelques minutes plus tard, j'entame le circuit en lacets qui monte vers le sommet. J'ai déjà bu plus de la moitié de mon eau, et je dois me résoudre à arrêter de boire avant le sommet. Heureusement, il fait beaucoup moins chaud: l'altitude et l'humidité des nuages apportent même un courant frais et à la vue de quelques névés, j'enfile mes couvres-bras. Petit à petit la vallée Cerbului disparaît entre les versants couvert de brume nuageuse et je n'ai d'yeux que pour l'ascension.

Malgré tout, je perds plusieurs fois le chemin dans les pierriers dévalant la pente  : je remonte alors la pente à quatre pattes, entre l'escalade et la marche, jusqu'à retomber sur un semblant de sentier.

En montant
Engagé sur un des flancs du cirque montagneux, je jette un coup d'oeil en arrière.(alt.2100m)

Vue plongeante sur le cirque
Juste avant d'arriver au sommet, je suis rattrapé par des nuées humides prises au piège des montagnes.(alt.2400m)

Il me faudra près d'une heure et demi pour venir à bout des lacets, et lorsque j'arrive sous la cabane d'Omu, je ne sais plus si j'ai froid ou si j'étouffe de chaud, si j'ai faim ou si j'ai le cœur au bord des lèvres... Trop content de retrouver un chemin en descente le long des crêtes, je me mets à trottiner à contre-courant du flot de randonneurs.

À ma gauche, le paysage est somptueux : je domine un cirque vertigineusement abrupte au-dessous de la vallée Cerbului et les bouffées nuageuses ne font qu'accentuer les profils déchirés du relief. Au fond de ce chaudron empierré, je distingue par tronçon le chemin emprunté ; vu d'ici, cela ressemble à un ridicule pointillé serpentant difficilement dans la rocaille au fond d'un gouffre. À ma droite, s'étend un vaste plateau accidenté. Aussi loin que je puisse le deviner dans la brume d'altitude, le paysage dégage une puissance et une violence primaire ; les gouffres semblent enfoncés, rappés, érodés, taillés par des forces terribles et les élévations sont brutales et massives, perdues dans leur écrin de brume, aussi inaccessibles aux regards qu'aux sentiers.

Sur les crêtes, en face du Peak d'Omu, dans les nuages.(alt.2450m)
(PANORAMA : passer la souris sur l'image et cliquer sur [>>] pour faire défiler)

Sur le plateau, je retrouve une multitude de marcheurs (qui n'ont de toute évidence pas pris le même chemin que moi) et les chemins -balisés- se multiplient. Sans grande conviction, je tente un chemin qui a l'air de longer les flancs du massif. Ce n'est pas le plus court, mais très certainement le plus impressionnant ! En prenant un détour, je fais aussi le pari de trouver de l'eau très vite. Déjà à cours avant d'arriver au sommet, je suis obligé de récupérer de l'effort en rationnant les gorgées. Mais déjà le chemin glisse doucement dans la pente et je peux reprendre mes esprits et mon souffle.

Je passe au loin ce qui semble être une station météo et je continue de trottiner le long du chemin qui borde le massif. La pente est si forte et le massif si élevé que j'ai l'impression de faire l'équilibriste sur une panne de toiture, laissant sur ma gauche un précipice de près de 1500m.

Au dernier étage
Le sentier qui longe le massif n'est pas un raccourci, mais vaut le détour se justifie.(alt. 2300m)

Alors que le chemin vire plein Est, je m'attends à rencontrer un point de vue sur la vallée de Busteni. Je suis d'abord déçu que le chemin descende en pente douce, mais lorsque je découvre "La Croix de la Victoire" je ne peux qu'esquisser un sourire de plaisir. La nature a aménagé ici une véritable vigie dans un promontoire rocheux dominant la vallée – qui semble ridiculement étroite – mais aussi les monts qui s'étendent à l'Est et au Sud sur des dizaines de kilomètres. La gorge sèche, les jambes sciées, le visage chaud et salé, je défais mon sac et m'assieds dans l'herbe pour profiter du panorama exceptionnel.

Quelle sensation incroyable ! Lorsque je suis arrivé en voiture par la vallée, j'ai eu la sensation de rentrer dans un étroit goulet. Après quelques heures de marche, non seulement je suis sorti du goulet, mais je découvre en plus que la vue porte sur des centaines d'hectares, des dizaines de monts et plusieurs villages. Le vent qui souffle ici, à plus de 2000m, ne rencontre aucun obstacle sur des centaines de kilomètres à la ronde. Ce courant d'air pur, frais et régulier qui vient du bout de l'Europe et glisse le long de mon dos trempé, tout comme la brûlure du soleil sur mon visage et la puissance tectonique que je sens endormie sous mes pieds, le site entier invite à se laisser enchanter par les éléments.

Devant la Croix de la Victoire, en face de Busteni (alt.2300m)
(PANORAMA : passer la souris sur l'image et cliquer sur [>>] pour faire défiler)

Déjà je frissonne : que ce soit la fraicheur de l'air d'altitude ou l'hypoglycémie, il ne faut pas s'éterniser au Paradi - pas encore.

Je dévale la pente, glissant à plusieurs reprise dans la rocaille et me rattrapant in extremis. Le terrain difficile n'aide pas du tout mes jambes lourdes. Après un passage par le monument aux héros de la Roumanie, je continue vers le chalet de Caraiman, dans l'espoir de trouver un chemin descendant vers Busteni.
Alors que j'avance à petites foulées sur l'étroit chemin, j'ai la surprise de me faire doublé par un coureur ! Jusqu'ici ne j'avais croisé que des touristes et voilà que je croise un autre déjanté, sautant les bosses et glissant sans peur sur la rocaille du chemin. Courir ici relève encore une fois de l'équilibrisme : à ma droite, ma main frôle la falaise, tandis qu'à ma gauche, l'escarpement est si abrupte que le qualificatif de "falaise herbeuse" conviendrait mieux que "pente" ou "versant".
Sentant le pas de mon poursuivant dans mon dos, je me range dans un renfoncement de la roche pour le laisser passer : à ma surprise, ce n'est pas un tri-athlète qui me double, mais une jeune brune en chaussures de marche et sac de trail ! Le temps que je réalise, elle est déjà devant ; je n'ai malheureusement pas d'énergie à dissiper dans une petite course. Je maintiens l'allure à une dizaine de mètres derrière elle et la rejoins au chalet, curieux de lui demander si elle s'entraine pour une course ou pour un défi personnel : "Pas du tout, je suis en balade avec des amis, mais en descente, je préfère courir que marcher". Bon, ça c'est fait...

J'en profite pour demander mon chemin : elle m'oriente le versant nord qui descend à Busteni, et une cinquantaine de mètres plus bas je trouve un panneau indiquant Busteni à 2-3h. Je m'arrête au panneau, pour suivre des yeux le parcours du sentier : c'est à peine une piste de chamois, rocailleuses et meuble, qui tombe littéralement dans la pente - autant tailler un escalier dans une falaise -.

Avant la descente
Après le chalet Caraiman, le chemin est une chute libre dans la vallée.

Je tente d'aspirer une dernière goutte dans ma poche à eau, mais je suis définitivement à sec ; j'enfile mes gants de vélo, pour protéger mes paumes si je dois me tenir aux roches ou à la végétation - ou en prévision d'une éventuelle glissade. La descente commence sur le versant Nord par une succession de lacets abruptes. Le sol est un calvaire : pierres roulantes, terre sèche, mousse molle mal accrochée : chaque pas posé au sol crispe tous les muscles de mon corps : le pied glisse, la cheville tourne, les genoux se plient et se détendent, les hanches pivotent aussi rapidement que possible, les bras s'accrochent et frôlent la pente pour s'assurer ; mais c'est ma tête qui me semble sur le point d'imploser : mes yeux courent le long de chaque pierre pour trouver le meilleur appui, puis accélèrent pour anticiper le prochain pas, et courent encore 3m plus loin pour surveiller le prochain virage, tout en gardant l'équilibre dans ce décors incliné.

Le regard absorbé par le sentier, je distingue du coin de l'œil un mouvement plus haut sur la pente : une masse brune se déplace dans l'herbe de la pente. Il ne manquait plus qu'un ours pour rendre cette descente fatale !
Heureusement ce n'est qu'une sorte de bouquetin broutant pacifiquement.

Glissade
La descente vers Busteni est particulièrement technique, et assez physique si on a l'ascension dans les pattes.

La descente me paraît d'autant plus difficile qu'elle me tire de mon perchoir, alors que l'altitude m'avait donné le pouvoir de voler au-dessus des monts – du moins par la vue -. Je tombe maintenant vers la réalité, me dirigeant tout droit vers le renfoncement sombre de la profonde vallée de caraiman.

Le chemin de terre et de cailloux laisse place à une section d'escalade à même la roche : quelques endroits sont aménagés pour les marcheurs : des câbles de fer amarrés à la roche permettent d'avoir une main-courante au-dessous des passages dangereux. Parfois un appui en bois est installé pour éviter de devoir sauter au-dessus d'une roche, et deux ponts sont même installés là où le sentier s'effondre. Malheureusement, plusieurs point d'amarrage sont décrochés, ce qui donne quelques surprises en se tenant aux câbles ! Les appuis en bois sont vacillants et les ponts sont...plutôt dangereux.

En arrivant dans le petit bois, je rattrape de plus en plus de randonneurs ; sûrement sont-ils montés ce matin par le téléphérique. Je suis rassuré de retrouver du monde : cela fait maintenant 6h que j'arpente la montagne, et je sens que je suis vidé. Je n'ai plus d'eau à boire, ni même d'eau à transpirer, je n'ai plu faim, mais j'ai l'impression d'avoir les jambes creuses, je souffre du soleil : la tête me brûle autant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Tout cela ne m'inquiète pas, ce n'est que la routine des courses prolongées...mais ce dont j'ai peur maintenant, c'est de m'écrouler d'un seul coup : je suis si éprouvé que lors de certains mouvements appuyés, j'ai la vue qui se brouille et des fourmillement sur le haut du crâne : l'évanouissement guette ! Je me concentre pour rester lucide et respirer régulièrement, trottant au ralenti pour éviter les crampes de la marche : Busteni est à quelques minutes, j'en suis sûr...

Sécurité et Fiabilité
La descente est parfois dangereuse, mais heureusement, le chemin est bien aménagé...

Une demi-heure plus tard, je traverse Busteni avec 2L d'eau fraiche du ruisseau dans mon sac, 2L de jus de fruits et un régime de bananes à la main. Je marche pieds nus pour relaxer et sécher mes pieds ; j'ai la démarche d'un esquinté : mais si je m'arrête, je cale.

Le plus important dans l'effort, c'est toujours le réconfort ! Une fois rentré à l'hôtel (après une terrible crampe de fesses en conduisant), je me suis offert une session sauna + hammam entrecoupée de longs étirements et douches froides. Après un repas royal, une bière (sans alcool) et un coup d'œil sur mes photos de la journée, je me suis allongé sur le lit. Ensuite, je ne sais plus si je me suis évanoui ou endormi...

Questions-réponses post-traumatiques à l'intention des inquiets:


Flo monsieur-tout-le-monde : Cela vaut-il la peine de se mettre dans des états pareils ?

Flo sportif-passionné : je me pose la question à chaque fois que je commence à galérer sur un chemin. Mais seulement au début, parce que pendant l'effort, on gère la crise ; et après l'effort le plaisir est tel que la question n'a plus lieu d'être. Oui, cent fois je recommencerai rien que pour admirer une vue au sommet d'une coline.
Ensuite, je n'aurai jamais pu faire cette rando si je ne l'avais pas faite sur un rythme appuyé : si j'avais réellement mis les 10-12h indiquées, j'aurai terminé la randonnée de nuit : c'était beaucoup trop risqué.


Flo monsieur-tout-le-monde : Et dans ce cas, pourquoi ne pas profiter de la vue en montant et/ou en descendant par le téléférique, comme tout le monde ?

Flo sportif-passionné : Les points de vue au sommet ne sont qu'une partie du plaisir : pour apprécier la dimension de la montagne et la comparer à l'échelle humaine, rien de vaut de la gravir à pieds. Les odeurs des sous-bois, la géographie de la vallée, les vues en contre-plongée, tout cela est le privilège du marcheur. Et enfin, le plaisir de l'effort physique exacerbe toutes les sensations et décuple le plaisir. Arriver à un sommet en hélicoptère n'aura jamais la même saveur qu'une ascension au contact des éléments.
Même si cette fois-ci j'ai puisé loin dans mes ressources, j'ai pris garde à préserver ma lucidité et je ne me suis jamais retrouvé plus en danger qu'un marcheur averti.